Fabrication
Afin de respecter et s'approcher au mieux de l'esprit et du savoir-faire des cartiers anciens, on a limité au maximum les sacrifices aux technologies modernes. Techniquement, seules l'utilisation du linoleum, l'impression sur des papiers modernes et une source de chaleur électrique sont réellement anachroniques par rapport aux travaux des cartiers. Philosophiquement, cette entreprise quelque peu luddite est bien entendue complètement anachronique puisqu'il n'existe plus de cartiers dans la tradition.
Même dans ces cas on a tâché de rester au plus près de la tradition et de n'utiliser aucun moyen qui aurait pu «avantager» ou faciliter le travail de fabrication tel qu'il était réalisé par les cartiers aux XVIIe et XVIIIe siècle.
Pour l'inspiration et les modèles ont été trouvés dans des fac-similés des Tarots Anciens, dans quelques ouvrages spécialisés, dans les collections du musée de la carte à jouer d'Issy les Moulineaux, et la collection d'un ami qui m'a permis de manipuler et sentir d'authentiques cartes du XVIIIe siècle.
À l'exception des recherches bibliographiques, l'utilisation de l'ordinateur a évidemment été exclue de toutes les étapes du travail.
Tous les dessins ont été tracés à la main avec une mine de graphite, directement sur les plaques, avant d'être gravés en utilisant les traditionnels gouges et ciseaux.
Les conditions de la réalisation de ces cartes et la capacité de production visée n'étant pas celle d'une manufacture de maître cartier, quelques libertés ont tout de même été prises afin de rendre ce travail possible. Ainsi les moules de chaque carte ont été gravés individuellement puis rassemblés sur les plaques. Aussi pour des raisons pratiques, le format des feuilles de cartier n'a pas été conservé, ceci permettant de travailler dans un espace restreint, les feuilles ne contiennent que 4 cartes chacune. Les étapes nécessitant le chauffage ont été faites avec une source de chaleur électrique, il était en effet exclu d'entretenir un feu de bois ou de charbon dans notre moderne cité.
Étapes de la fabrication
Gravure
Les clichés - appelés moules chez les cartiers - sont gravés en taille d'épargne. Pour les triomphes de Paris, le linoleum a été préféré au bois pour des raisons écologiques (le linoleum est renouvelable) et économiques : la technique et les outils sont néanmoins identiques.
Tirage
Les clichés sont rassemblés en 6 planches de 4 cartes. Les tirages se font à la main à la façon traditionnelle sur papier mouillé, en utilisant la technique du frotton - le frotton de crin ou de cuir est remplacé par un frotton à la surface en nylon. Les feuilles imprimées sont ensuite mises à sécher.
Montage des cartes
Après mêlage des papiers, on utilise une colle suivant une recette du XVIIIe siècle, principalement à base de farine biologique et d'eau chauffées. Le papier des dos cartonné, épais et opaque et le papier des faces à fort grammage destinés à l'estampe permettent de s'affranchir d'une ou deux feuilles centrales de "main brune" prises en sandwich entre le dos et la face, ce qui autorise à réaliser des cartes à deux feuilles au lieu des traditionnelles trois feuilles ou quatre feuilles. Les feuilles collées sont placées en presse en deux temps puis mises à sécher plusieurs jours.
Chauffage & Lissage
Le chauffage se fait feuille par feuille sur une plaque électrique. Le lissage se fait à la main feuille par feuille, suivant la méthode des cartiers, toutefois une pièce métallique et beaucoup d'effort manuel pour assurer une pression suffisante remplacent l'efficace mais trop imposant lissoir traditionnel avec sa pierre polie.
Découpage
Le découpage se fait feuille à feuille, puis carte par carte, en effet n'ayant que quatre cartes par feuilles on n'a pas à utiliser la longue coupe et la courte.
Tri et empaquetage
Les cartes sont triés deux fois, vérifiés afin d'éliminer les cartes inexploitables, puis les cartes sont groupées par jeu avant d'être emballées dans une enveloppe - également imprimée manuellement.
Description technique
Cartes deux feuilles - dimensions : 9cm x 6 cm ; tirées à la main sur du papier de moyen à fort grammage adapté aux travaux de gravure (Velin d'Arches, Rives BFK, Lanaquarelle, etc... les cartes d'un jeu présentent toutes les mêmes caractéristiques donc le même papier) ; dos en papier écologique Maki "Natural" 330gr (sans chlore, non toxique, fabriqué dans le Lubéron) ; colle artisanale suivant les recettes du XVIIIe siècle ; encre Lefranc-Bourgeois ou Gerstaecker ; lissage d'après les méthodes traditionnelles.
Réalisé sans vernis toxiques, sans colles chimiques, sans aerosols.
Bibliographie succinte
à propos des techniques :
J.M Papillon, Traité historique et pratique de la gravure sur bois, tome premier et tome deuxième, chez Simon, Paris, 1766.
M.Duhamel de Monceau, "Art du Cartier" et "Art du Cartonnier", dans: Description des Arts et Métiers, collectif, Académie Royale des Sciences de Paris, Neuchatel, 1776.
collectif, Encyclopédié méthodique Arts et métiers mécaniques, tome premier, Paris, 1783.
Sieur Watin, L'art du Peintre, doreur, vernisseur, 4e édition, Paris, 1785.
collectif, Dictionnaire Technologique ou Nouveau dictionnaire des Arts et Métiers et de l'économie industrielle tome quatrième, chez Thomine et Fortic, Paris 1823.
M. Lebrun, Manuel du cartonnier, du cartier et du fabricant de cartonnages, à la librairie encyclopédique de Roret, Paris, 1830.
à propos des cartes à jouer et des tarots :
Stuart R. Kaplan, Encyclopédie du Tarot, Tchou, Paris, 1978.
Thierry Depaulis, Tarot, jeu et magie, Bibliothèque Nationale, Paris, 1984.
collectif, Cartes à jouer et tarot de Marseille, Alors Hors du Temps, Marseille, 2004.
Jean-Marie Lhôte, Le symbolisme des jeux, Berg, Paris, 2010.
à propos du tarot de Jacques Viéville en particulier :
Charly Alverda, Trois figures hiéroglyphiques, Le Moulin de l'Étoile, Busloup, 2005.
